Nous le martelions déjà il y a trois ans dans "Paris change d'ère" * viser la neutralité carbone est un impératif, rationnel, raisonnable et possible. La population mondiale étant très majoritairement urbaine, le lieu d'activation de cette ambition est donc, logiquement, la ville.
Au centre des réflexions urbaines.
Nous croyons qu'il est possible d'entrer dans cette nouvelle ère par le bâtiment en visant des objectifs extrêmement vertueux. C'est bien mais le bâtiment ne représente qu'un quart du bilan carbone global. Il faut voir plus grand. Une fois la technique maîtrisée, il faut agir sur les usages qui sont presque toujours oubliés : ainsi, par exemple, "leffet rebond" qui annule, par une augmentation des usages, certains gains environnementaux obtenus grâce à l'amélioration de l'efficacité énergétique (isolation, chauffage plus performant...) ou encore l'augmentation de la surface des logements depuis 30 ans et donc aussi de leurs consommations.
Un bon commissionnement (suivi d'une installation neuve afin qu'elle atteigne le niveau de performances contractuelles), parfois imposé par les certifications récentes, permet de réduire cet effet rebond. Tout comme la concertation avec les habitants et les nouveaux outils numériques qui permettent de caler les besoins des usagers avec les réelles possibilités de la ville.
Le quartier, laboratoire de la ville durable.
Un bâtiment seul, aussi iconique et performant soit-il, ne permet pas d'atteindre les objectifs de la neutralité carbone. C'est physiquement impossible. Pour cette raison, l'échelle spatiale du quartier devient la référence puisqu'elle permet des synergies entre les différents usages et temporalités. Cete approche par le métabolisme du quartier permet également de prendre en compte l'approvisionnement en objets et matière et de travailler sur l'alimentation. A l'échelle du quartier, il devient intéressant et prospectif de réfléchir à la manière de rendre les villes à nouveau productives, dès lors qu'est considéré comme productif un espace énergétique, alimentaire ou un lieu qui séquestre le reliquat de carbone de la ville. Cette fonction productive, disparue avec la désindustrialisation, permettrait une certaine résilience et de relancer des échanges plus vertueux entre territoires. Il s'agit d'estomper la frontière qui tend à séparer l'extérieur des villes de leurs espaces intérieurs. En intégrant la ville, le bassin productif doit se rétrécir afin de limiter les déplacements et récréer un tissu artisanal ou industriel local. La stratégie doit être globale, et non pas un saupoudrage de solutions hors contexte et sans ancrage territorial.
N'oublions pas les bâtiments écologiques.
S'il faut parfois passer par la radicalité de projets d'infrastructures solaires, reconnaissons aussi que nous savons faire des bâtiments performants. Avec les réglementations thermiques successives, avec les matériaux et techniques à disposition, construire des bâtiments performants et bas carbone est aujourd'hui possible, mais passe par des changements et une superposition d'usages parfois inattendus. Le toit joue par exemple un rôle stratégique d'interface avec l'atmosphère : modules solaires, végétalisation, matériaux réfléchissants pour toitures fraîches se partagent cet espace pour essayer à la fois de produire de l'énergie renouvelable localement et réduire l'impact anthropique dans l'atmosphère et le microclimat urbain.
D'une manière similaire, les éléments de façade ont désormais acquis de nouvelles capacités : produire de l'électricité ou accueillir des surfaces végétalisées. Le temps de quatre façades vitrées identiques est fini à l'heure où nous savons calculer l'impact des rayons du soleil et la production du moindre watt sur n'importe quel point d'une maquette numérique. La végétation, qui va faire des bâtiments des régulateurs thermiques dans la ville, sera, peut-être encore plus que la technologie, au centre de la transition énergétique et climatique. Quant au bois, qui est désormais aussi utilisé dans des immeubles de grande hauteur, il est le matériau constructif de référence pour atteindre les objectifs carbone grâce à son potentiel de stockage carbone.
Les villes et le climat.
Le plus grand défi est la hausse des températures due au changement climatique, l'effet d'îlot de chaleur se cumulant à la canicule. L'été 2003 a dramatiquement montré la fragilité de la population face à une telle situation. Les effets sont décuplés en milieu urbain, là où les disparités des conditions de vie sont les plus grandes et les espaces anthropisés les moins résilients face aux catastrophes naturelles. Le challenge qui nous attend est celui de la balance confort / carbone, dont la solution ne passera pas uniquement par une solution technique, mais aussi par une transition écologique prenant en compte l'aspect humain.
* pour en savoir plus : paris2050.elioth.com