Dans un contexte d’urbanisation, certains espaces vieillissants, sous-exploités ou laissés à l’abandon restent non transformés sur le territoire. Pourtant, bon nombre de ces « délaissés urbains » mériteraient une seconde vie… Certaines municipalités y voient des zones sans avenir tandis que d’autres y perçoivent un potentiel de réutilisation, de transformation, de mutation urbaine...
Ainsi, ces friches urbaines, loin d’être inutiles, pourraient être vues comme des laboratoires à ciel ouvert d’une nouvelle urbanité, où la requalification sera préférée à l’étalement urbain, et où la conception bas carbone sera la norme pour répondre aux défis environnementaux et à l’urgence climatique qui touchent les métropoles, responsables de plus de 70 % des émissions en carbone chaque année…
Le cas de Bruneseau est intéressant. Cette ancienne friche ferroviaire, à cheval entre Paris et Ivry, en bordure du périphérique, est en passe de se refaire une beauté, sous la houlette du groupement de maîtrise d’œuvre Nouvel R, dont nos équipes et celles de notre entité Elioth font partie. Le défi qui se pose à nous est aussi complexe qu’excitant : comment créer un morceau de ville sur une friche urbaine comme Bruneseau, en créant un quartier avec toutes ses fonctions à l’instar des faubourgs Charonne, Auteuil, Montmartre ? Et au-delà, comment exprimer, sur cet espace à réinventer, une vision de la ville du 21ème siècle que Paris, ville-monde, doit porter auprès des autres métropoles ?
Concevoir le premier quartier décarboné de France.
Le développement d’un projet bas carbone comme Bruneseau fait appel à une ingénierie globale. Ici, nous avons mobilisé des expertises pointues afin de répondre aux enjeux énergétiques et environnementaux. Pour valoriser les 11 bâtiments dont 4 IGH (immeubles de grande hauteur) qui symboliseront la nouvelle centralité entre Paris et Ivry, les bâtiments devront présenter une empreinte carbone exemplaire.
En termes de construction, deux tiers des éléments structurels seront en bois, dont les planchers. Afin de contourner l’aspect combustible du matériau, de nouvelles solutions constructives ont été créées. Ce projet emblématique des ambitions écologiques de la Ville de Paris, qui vise la neutralité carbone d’ici 2050, porte dans sa conception un objectif de 50 % de l’énergie produite ou récupérée sur place, une empreinte carbone divisée par cinq par rapport à la moyenne parisienne et une couverture des besoins en énergie renouvelable à 65 %. Nous avons donc proposé d'alimenter le futur quartier en énergies renouvelables et de récupération, notamment avec des réseaux de production de chaleur et de froid et une implantation massive de panneaux solaires.
Rendre la densité désirable.
L’intégration et la gestion de l’infrastructure, à proximité immédiate du périphérique et de ses bretelles, a été une contrainte pour la méthodologie du projet. L’idée est d’absorber l’infrastructure et de gommer la densité urbaine pour créer un véritable cœur de ville. La programmation, qui porte sur la mixité sociale et fonctionnelle, présente des immeubles conçus comme des villages verticaux alliant résidences seniors, étudiants, logements sociaux ou en accession à la propriété, commerces, bureaux, etc. Autre défi de taille à relever : l’acoustique. Un soin particulier a été porté à l’étude de l’imperméabilité des façades quant au bruit mais aussi à la qualité de l’air via un dispositif bioclimatique. Au-delà du concentré d’innovations dont il fait preuve, le projet montre avant tout un équilibre des usages.
De surcroît, à la dernière phase du concours, nos équipes ont proposé que cette technologie soit présentée au public. Scénarisé dans le premier bâtiment écoconçu, ce démonstrateur de production énergétique en temps réel aura vocation à sensibiliser les habitants et à inscrire pleinement la transition écologique au cœur de leur mode de vie.